Trump face à l’Iran :
- thibo périat
- 21 juin
- 5 min de lecture
Quelles options pour soutenir Israël ? Est-ce un nouveau front contre la Russie ? Une bataille de plus dans un monde coupé en deux ? Et l’Europe dans tout ça ?
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Donald Trump retrouve un monde plus instable que jamais, et un Proche-Orient au bord de l’embrasement total. Face à l’Iran, l’allié indéfectible d’Israël se retrouve de nouveau confronté à un vieux dilemme : frapper, contenir ou négocier ?
Les attaques croisées entre l’État hébreu et la République islamique se sont intensifiées ces dernières semaines, et Trump, aujourd’hui commandant en chef en exercice, a plusieurs cartes en main. Mais chacune d’entre elles comporte ses risques, ses calculs, et ses répercussions géopolitiques.
Le spectre des frappes ciblées
C’est l’option favorite des faucons de son administration. Des frappes chirurgicales sur des sites militaires ou nucléaires iraniens. Spectaculaires, médiatiques, mais limitées. Trump y avait déjà songé en 2020, avant de renoncer in extremis. Désormais revenu au pouvoir, il a les pleins pouvoirs pour agir, sans avoir à ménager Joe Biden ni les démocrates.
Mais l’Iran n’est plus le même. La riposte serait immédiate, via ses proxies au Liban, en Syrie, en Irak. Israël deviendrait la cible, et les bases américaines dans la région aussi.
Le soutien indirect : armes, renseignements, cybersabotages
Trump pourrait aussi choisir la discrétion. Renforcer Israël via des ventes d’armements accélérées, partager du renseignement tactique, coordonner des cyberattaques sur les réseaux iraniens.
Un soutien sans bottes sur le terrain. Moins risqué politiquement, mais tout aussi inflammable. En sous-main, Washington redeviendrait l’architecte invisible des frappes israéliennes. Le message est clair : les États-Unis soutiennent leur allié, mais ne s’enlisent pas dans une guerre ouverte.
Le blocus maritime : asphyxier l’Iran par le détroit d’Ormuz
Autre levier stratégique : bloquer les exportations iraniennes de pétrole en verrouillant le détroit d’Ormuz avec la Vème flotte. Ce serait un acte de guerre économique, un coup dur pour Téhéran… mais aussi pour les marchés mondiaux.
Le prix du baril s’envolerait. L’Europe crierait à la provocation. Et les tensions avec la Chine – principal importateur de brut iranien – plongeraient le monde dans une nouvelle guerre froide énergétique.
La guerre ouverte : le scénario du chaos
Si l’Iran franchit la ligne rouge – une attaque massive sur Tel-Aviv ou une incursion directe sur le territoire israélien –, Trump pourrait déclencher une opération militaire d’envergure. Bombardiers, missiles, marines. Le Pentagone a les plans. Trump a le style.
Mais c’est un pari risqué. Une guerre régionale totale embraserait le Liban, la Syrie, le Yémen, le Golfe. Des dizaines de milliers de soldats américains pourraient être engagés. Le Congrès serait divisé. Et l’opinion publique, lassée des “endless wars”, pourrait se retourner.
La diplomatie à la Trump : deals, menaces et bluff stratégique
Enfin, Trump pourrait rester fidèle à lui-même : multiplier les menaces tout en laissant la porte ouverte à une négociation spectaculaire. Du style : « Pas d’accord ? On vous raye de la carte. Mais si vous signez avec moi, ce sera le plus grand deal de l’histoire du Moyen-Orient. »
Un équilibre instable, où l’incertitude est une arme. Les mollahs à Téhéran savent qu’il peut frapper. Ils savent aussi qu’il aime surprendre. Le chaos, pour Trump, est une stratégie.
En réalité : un front contre la Russie aussi
Au-delà de l’Iran, ce conflit sert une autre logique. Affaiblir Téhéran, c’est frapper indirectement Moscou. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie s’appuie sur les drones iraniens, sur l’énergie iranienne contournant les sanctions, et sur un axe diplomatique anti-occidental renforcé.
En ciblant l’Iran, Trump affaiblirait un des derniers soutiens actifs de Poutine. Il compliquerait ses approvisionnements militaires. Il enverrait un signal clair à Pékin. Et il détournerait l’attention de l’Europe, acculée à jongler entre Ukraine, Gaza et désormais… l’Iran.
Un affrontement global en pièces détachées
Ce qui se joue entre Trump, l’Iran et Israël ne peut être réduit à une guerre locale. C’est un fragment d’un conflit mondial éclaté, une sorte de guerre froide 2.0 sans rideau de fer, mais avec une multitude de foyers actifs, d’alliances croisées et de proxys armés.
• En Ukraine, c’est l’OTAN face à la Russie.
• En Gaza, Israël affronte le Hamas, soutenu par l’Iran.
• En mer de Chine, les États-Unis croisent le fer avec la flotte chinoise.
• En Afrique, la France et les États-Unis perdent du terrain face aux avancées russes (Wagner) et turques.
• En Amérique latine, l’axe Caracas–La Havane–Managua ravive les braises de la contestation anti-américaine.
Derrière ces foyers : un affrontement de récits. D’un côté, celui de la démocratie libérale et du droit international. De l’autre, celui de la souveraineté autoritaire et du rejet d’un Occident perçu comme dominateur. Et au milieu, Trump, maniant le chaos comme une arme diplomatique, ajuste ses coups sans jamais vraiment déclarer la guerre.
L’Europe : puissance régionale dans une guerre globale
Face à cette reconfiguration mondiale, l’Europe semble à contretemps, comme un acteur secondaire dans un drame géopolitique qui la dépasse. Elle parle souvent de multilatéralisme, de droit international, de médiation. Mais sur le terrain, elle pèse peu, ne serait-ce que militairement.
Sur la crise iranienne, Paris hésite, Berlin tergiverse, Bruxelles se tait. L’Union européenne, prise entre sa dépendance énergétique, ses divisions internes et sa prudence stratégique, n’a pas les moyens d’imposer sa voix. Elle n’est ni capable d’endiguer l’escalade, ni de proposer une véritable alternative diplomatique.
Pis encore : l’Europe subit. Elle subit les sanctions, les ruptures d’approvisionnement, les vagues migratoires provoquées par les conflits qu’elle n’a pas déclenchés. Et elle subit surtout l’agenda des grandes puissances — États-Unis, Chine, Russie — sans pouvoir vraiment l’infléchir.
Le résultat ? Une forme de marginalisation géopolitique, masquée par un vernis diplomatique. Les chancelleries européennes s’agitent, mais c’est ailleurs que les décisions sont prises. À Tel-Aviv, à Téhéran, à Washington, à Moscou… mais rarement à Bruxelles.
Trump président, Trump stratège… ou Trump showrunner ?
Aujourd’hui, Trump n’est plus en campagne. Il est aux commandes. Chaque option a un coût. Chaque missile tiré a une conséquence. Le monde retient son souffle. Israël attend des garanties. L’Iran aiguise ses menaces. Et Trump, lui, choisit son moment.
Mais derrière la stratégie militaire se cache un autre scénario — écrit à la manière d’un épisode de télé-réalité. Comme évoqué dans notre précédent article sur le “Trump Show”, le président n’agit pas seulement en chef d’État : il met en scène la tension, orchestre le suspense, cadence les annonces et brouille les lignes entre réalité diplomatique et dramaturgie politique.
Frapper ou ne pas frapper ? Ce n’est pas seulement une question géopolitique. C’est aussi une mise en scène. Et tant que les caméras tournent, Trump reste le maître du plateau.




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