Soudan : une guerre à huis clos qui bascule dans l’horreur
- thibo périat
- 4 nov.
- 2 min de lecture
Au Soudan, la guerre ne se contente plus de déchirer un pays : elle avale des villes, des familles, des hôpitaux, des vies. Depuis avril 2023, deux hommes se disputent le pouvoir comme on arrache une terre à mains nues : Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée régulière, et Mohamed « Hemedti » Dagalo, patron des Forces de soutien rapide (RSF), une milice aux ressources colossales, dont l’or du Darfour.
Le 27 octobre 2025, un basculement. El-Fasher, capitale du Darfour, tombe entre les mains des RSF. Un bastion symbolique, stratégique, et surtout refuge final pour des centaines de milliers de civils. En quelques heures, la ville devient piège.
Les témoignages convergent : hommes séparés, alignés, exécutés. 1 500 morts en 48 heures, selon des réseaux médicaux locaux. Dans une maternité, 460 patients, accompagnants et soignants tués, d’après l’Organisation mondiale de la santé. Les images qui filtrent malgré le black-out télécoms racontent le reste : rues silencieuses, portes enfoncées, corps abandonnés. Une ville étouffée.
L’écho international, lui, peine à suivre. L’attention mondiale s’est déplacée ailleurs ; au Soudan, la famine progresse, les épidémies aussi. Coupures d’eau, hôpitaux détruits, convois humanitaires bloqués. Déjà des millions de déplacés. Le pays se morcelle : à l’ouest, les RSF; au nord-est, l’armée. Une partition de fait, et au milieu, les civils : invisibles, piégés, oubliés.
Au Darfour, la mémoire des massacres des années 2000 ressurgit comme une cicatrice jamais refermée. Cette fois, elle s’étend. Certains diplomates murmurent le mot interdit : génocide. Les chancelleries condamnent, les ONG documentent, mais aucune intervention ne prend forme. Le Soudan brûle — et le monde regarde ailleurs.
Pourtant, le pays n’est pas silencieux. À Khartoum, à Port-Soudan, dans les camps frontaliers du Tchad, de jeunes Soudanais tentent encore de tenir debout une idée : celle d’un État civil, d’un avenir. Leur voix, aujourd’hui étouffée, sera un jour indispensable pour reconstruire ce qu’une guerre de généraux aura laissé derrière elle.
La tragédie soudanaise n’est pas un lointain écho africain. C’est une catastrophe humaine, politique, mémorielle, qui façonne déjà la carte régionale.
Une guerre à huis clos, mais qui n’aura d’issue que si on rouvre la porte.
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Sources principales
(toutes consultées précédemment)
• Reuters — témoins d’exécutions de masse
• Al Jazeera — bilans civils, chute d’El-Fasher
• OMS — attaque d’hôpital, dénonciation publique
• The Guardian — contexte, bascule stratégique du Darfour
• Arab Center DC — analyse politique et transition avortée
• Time — rôle des soutiens étrangers et militarisation du conflit
• OMS et sources épidémiologiques — choléra et effondrement sanitaire




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