Bénin – Une tentative de coup d’État… puis un retour à l’ordre
- thibo périat
- 7 déc.
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Dernière mise à jour : 8 déc.
Cotonou, 7 décembre 2025. À l’aube de ce dimanche, le pays s’est réveillé au rythme d’images spectaculaires et d’une profonde inquiétude. Des militaires ont brusquement envahi les ondes de la télévision d’État, clamant avoir “démis” le président Patrice Talon de ses fonctions, suspendu la Constitution et dissous les institutions. À leur tête, un nom, Pascal Tigri, lieutenant-colonel autoproclamé chef du nouveau “Comité militaire pour la refondation” (CMR).

Le coup de théâtre, sur le petit écran
Ce sont des images diffusées en direct sur la chaîne publique qui ont jeté le trouble. Un groupe de soldats, armes en mains, a pris la parole. Ils ont évoqué des griefs, détérioration de la sécurité dans le nord du pays, manque de transparence dans les marchés publics, lois “crispantes”, exclusion des forces politiques dissidentes… Pour eux, le pays était à un tournant et seul un renversement radical pouvait le sauver.
L’annonce a été brève mais brutale, dissolution des institutions, suspension de la Constitution, fermeture des frontières, dissolution du parlement, et installation d’une “transition militaire”. Le ton solennel, la télévision muette, le pays coupé d’un coup, le décor d’un putsch était planté.
Le contre-coup, loyalistes à l’offensive
Mais l’étincelle n’a pas duré. Très vite, des forces fidèles au régime se sont mobilisées. Le ministre de l’Intérieur, Alassane Seidou, est apparu à son tour, affirmant que la tentative de coup d’État avait été “mise en échec”. Selon lui, l’armée béninoise, fidèle à ses engagements, avait repris le contrôle.
Quelques heures plus tard, l’antenne de la radio-télévision publique était de nouveau monopolisée par les autorités légales. À Cotonou, des patrouilles, quelques tirs isolés signalés, notamment près de la résidence présidentielle, mais l’ordre semblait progressivement revenir. Au total, au moins 14 militaires impliqués ont été arrêtés.
Pourquoi maintenant ? Le contexte trouble
Le pays était, jusqu’ici, considéré comme une des démocraties les plus stables d’Afrique de l’Ouest. Mais depuis quelques mois, les critiques se multiplient à l’encontre de Talon, accusations d’autoritarisme, de dérive institutionnelle, d’exclusion politique systématique. Son second mandat (entamé en 2021) touche à sa fin, avec des élections prévues en avril 2026. Certains proches du pouvoir ont déjà été condamnés pour complot contre lui.
Le putsch raté s’inscrit aussi dans un contexte régional tendu,l’Afrique de l’Ouest connaît depuis plusieurs années une vague de coups ou tentatives de coups, dans des pays voisins. L’instabilité, les menaces jihadistes au nord, ainsi que des frustrations internes seraient probablement des éléments moteurs de cette mutinerie.

Réactions, condamnations nationales et internationales.
Peu après l’échec du putsch, le gouvernement a assuré que tout rentrait “dans l’ordre” et que le pays était “sous contrôle”. Le président Talon, si discret pendant quelques heures, a finalement réaffirmé qu’il était “sain et sauf”.
À l’échelle internationale, la riposte a été immédiate. L’Union africaine (UA) a condamné “sans équivoque” la tentative de putsch, appelant les militaires à regagner leur caserne et à préserver l’ordre constitutionnel.
Ce que révèle l’épisode et ce qu’il laisse en suspens
Ce coup manqué démontre que même au Bénin, longtemps considéré comme un modèle de stabilité, les tensions internes peuvent éclater soudainement. Et que l’armée reste un acteur politique, parfois inattendu. Le fait que les militaires aient réussi à atteindre la télévision d’État avant d’être neutralisés montre la fragilité de certaines institutions, voire la défiance croissante envers le régime.
Mais la question maintenant, au-delà de la condamnation du putsch, est celle de la cause profonde : les frustrations sociales, sécuritaires, institutionnelles ou politiques. Et surtout, quelles garanties pour un retour durable à la stabilité, et à la démocratie ?
Mise à jour : 08/12/25
Ce qui s’est joué au-dessus et au-delà de la frontière
Dans les heures qui ont suivi l’annonce des mutins sur la télévision nationale béninoise, le Nigeria est intervenu militairement à la demande officielle de Cotonou. Des avions de l’armée de l’air nigériane ont survolé le sud du Bénin, pendant que des unités terrestres traversaient la frontière pour appuyer les forces loyalistes.
Selon les autorités béninoises, cette intervention a permis :
La reprise rapide de la télévision nationale,
La désorganisation des groupes putschistes,
La libération de plusieurs officiers retenus,
Et l’arrestation d’au moins une partie des meneurs.
À Abuja, le président nigérian a justifié l’opération par la nécessité de “préserver la stabilité régionale” et d’endiguer toute contagion politique et sécuritaire dans le golfe de Guinée.
Sur le terrain, l’opération a marqué un tournant décisif : le coup d’État a été militairement étouffé en quelques heures, avant toute structuration d’un pouvoir parallèle.
Mais cette aide extérieure, saluée par le pouvoir béninois, ouvre aussi une zone de débat sensible : celle de la souveraineté, de la dépendance sécuritaire, et du rôle désormais central du Nigeria comme gendarme politique régional.




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