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Biélorussie : l’allié discret mais central de la Russie dans la crise européenne

  • Photo du rédacteur: thibo périat
    thibo périat
  • 10 déc.
  • 3 min de lecture

Souvent reléguée au second plan dans la couverture médiatique de la guerre en Ukraine, la Biélorussie occupe pourtant une place stratégique majeure dans l’affrontement entre la Russie et l’Europe. Sans être officiellement belligérante, elle agit comme un relais militaire, logistique, politique et diplomatique de Moscou, tout en conservant une ambiguïté qui lui permet, jusqu’à présent, d’éviter une implication directe assumée.



Un avant-poste militaire russe aux portes de l’Union européenne


Dès le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, le territoire biélorusse a servi de base arrière aux forces russes. Des unités militaires, des systèmes de missiles, des avions et du matériel logistique ont transité ou stationné en Biélorussie avant d’être engagés contre Kyiv, notamment lors de l’offensive initiale sur la capitale ukrainienne .

Cette coopération militaire repose sur une relation structurelle ancienne entre Minsk et Moscou, institutionnalisée depuis les années 1990 par « l'Union de l’État Russie-Biélorussie », qui prévoit une intégration économique, politique et sécuritaire avancée . Depuis 2022, cette dépendance s’est encore accrue, la Biélorussie héberge régulièrement des exercices militaires conjoints, des avions russes et des systèmes nucléaires tactiques annoncés par le Kremlin en 2023.

Pour Moscou, la Biélorussie constitue ainsi un poste avancé stratégique sur le flanc oriental de l’Europe, à proximité immédiate de la Pologne, de la Lituanie et de la Lettonie, tous membres de l’OTAN.



Un accélérateur potentiel de crise pour l’Europe


La Biélorussie ne se contente pas d’un rôle passif. Elle fonctionne aussi comme un multiplicateur de pression dans le rapport de force entre la Russie et l’Occident.

Sur le plan militaire, la présence de forces russes sur son sol réduit les temps de réaction de l’OTAN et permet à Moscou d’exercer une pression constante sur le flanc est européen, notamment via les manœuvres de grande ampleur comme les exercices « Zapad » .

Sur le plan hybride, la Biélorussie a été impliquée dans des opérations indirectes contre l’Union européenne, notamment lors de la crise migratoire artificielle de 2021-2022, lorsque le régime de Loukachenko a facilité l’acheminement de migrants vers les frontières polonaises et baltes pour faire pression sur l’UE.

Sur le plan économique enfin, le pays sert de plate-forme de contournement partiel des sanctions visant la Russie, notamment via les échanges commerciaux, les transports ferroviaires et certaines exportations stratégiques vers l’Asie.



Pourquoi l’Ukraine n’attaque pas la Biélorussie


Malgré ce rôle actif au service de Moscou, l’Ukraine n’a jamais revendiqué d’attaques militaires directes contre le territoire biélorusse. Aucune frappe officielle, aucun bombardement revendiqué par Kyiv ne vise Minsk ou ses bases militaires.

Ce choix repose sur plusieurs facteurs :


  • Le risque d’ouverture d’un nouveau front. Une attaque directe contre la Biélorussie pourrait provoquer l’entrée formelle de l’armée biélorusse dans la guerre, ce que l’Ukraine cherche précisément à éviter afin de ne pas disperser ses forces.

  • La préservation du soutien occidental. Frapper un État qui n’est pas officiellement belligérant compliquerait la narration diplomatique ukrainienne, fondée sur la légitime défense face à l’agression russe.

  • Une ambiguïté politique entretenue. La Biélorussie agit comme soutien de la Russie, mais sans déclaration de guerre formelle. Cette zone grise permet à chacun d’éviter une escalade juridique et militaire directe.

  • Des actions de sabotage ont bien eu lieu en Biélorussie, notamment contre la base aérienne de Machulishchy en 2023, mais elles sont attribuées à des groupes de partisans biélorusses anti-régime, et non aux forces ukrainiennes .


Pourquoi la Biélorussie reste sous-traitée médiatiquement


Plusieurs raisons expliquent la relative discrétion médiatique autour de Minsk :


  • L’attention se concentre avant tout sur le front ukrainien lui-même.

  • Le rôle de la Biélorussie est principalement logistique, stratégique et politique, donc moins visible que des bombardements ou des offensives directes.

  • De nombreux gouvernements occidentaux continuent de considérer la Biélorussie comme un satellite plus qu’un acteur autonome, ce qui réduit sa place dans l’analyse.

  • Enfin, une surexposition pourrait pousser le régime de Loukachenko à une radicalisation plus assumée, ce que plusieurs capitales européennes cherchent à éviter .



Un enjeu clé pour l’après-guerre


La Biélorussie est aujourd’hui l’un des points de bascule de la sécurité européenne. Son degré d’alignement sur Moscou, sa capacité à accueillir durablement des forces russes, ou à l’inverse à chercher une forme de distanciation, pèsera lourdement sur l’architecture de sécurité du continent après la guerre.

Si le conflit devait s’intensifier, Minsk pourrait devenir un front secondaire majeur. À l’inverse, un affaiblissement du régime de Loukachenko ou un changement de ligne politique ouvrirait un tout autre scénario, potentiellement déstabilisateur pour le Kremlin.

Dans tous les cas, la Biélorussie n’est ni un simple figurant, ni un acteur neutre : elle est déjà l’un des nœuds stratégiques majeurs de la crise entre la Russie et l’Europe.

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