Base navale russe au Soudan : un projet gelé, une carte politique toujours active
- thibo périat
- 6 déc.
- 2 min de lecture
Annoncée en 2017, enterrée, relancée, puis à nouveau suspendue, la base navale russe en mer Rouge n’a, en 2025, toujours pas vu le jour. Mais loin d’avoir disparu, le projet est aujourd’hui redevenu une pièce centrale dans la stratégie de survie du régime soudanais, enlisé dans une guerre civile dévastatrice.
Tout commence en décembre 2017, lorsque le président soudanais Omar el-Béchir propose à Vladimir Poutine l’installation d’une base navale sur la côte soudanaise. À l’époque, Khartoum est sous sanctions, isolé diplomatiquement, et cherche un protecteur. En avril 2019, la chute d’el-Béchir gèle brutalement le dossier.
Le projet ressurgit en novembre 2020 avec la signature d’un accord militaire entre Moscou et les autorités soudanaises de transition, un bail de 25 ans, la présence de 300 soldats russes, et l’accueil possible de quatre navires de guerre, y compris à propulsion nucléaire, près de Port-Soudan, sur l’un des couloirs maritimes les plus stratégiques du monde, à l’entrée de Suez.
Mais l’accord n’est jamais ratifié. En octobre 2021, un nouveau coup d’État militaire replonge le pays dans l’instabilité. Le projet est à nouveau bloqué.
La guerre change la donne
En avril 2023, le Soudan bascule dans la guerre civile entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti. Le pays s’effondre : des dizaines de milliers de morts, plus de huit millions de déplacés, un État fracturé.
Dans ce chaos, la base russe prend un sens nouveau. Il ne s’agit plus seulement de coopération militaire, mais d’un outil politique. À partir de 2024, les discussions reprennent discrètement. En février 2025, le Wall Street Journal révèle que Khartoum a formellement reproposé la base à Moscou en échange d’armes et d’un appui diplomatique renforcé.
Moscou vise la mer Rouge, Khartoum cherche une issue
Pour la Russie, l’enjeu est majeur, une base en mer Rouge offrirait un accès direct à l’axe Suez–océan Indien, une capacité de projection entre Méditerranée, Afrique et Golfe, et sa première base navale permanente en Afrique depuis l’URSS.
Pour le régime soudanais, l’objectif est plus existentie, obtenir des armes, une protection diplomatique au Conseil de sécurité, et surtout un appui pour peser dans une future sortie de guerre. La Russie apparaît comme un partenaire sans condition politique, contrairement aux Occidentaux.
Un projet suspendu, pas enterré
Au printemps 2025, Moscou reconnaît que le projet est « suspendu pour raisons sécuritaires ». La proximité des combats rend toute implantation impossible à court terme. Mais l’accord n’est ni annulé ni renégocié. Les canaux militaires restent ouverts. La base est gelée sur le terrain, mais active dans les calculs politiques.
Le dossier inquiète les États-Unis, l’Union européenne et plusieurs pays du Golfe. Une base russe en mer Rouge renforcerait la pression militaire sur l’un des couloirs commerciaux les plus vitaux de la planète et accentuerait la rivalité entre grandes puissances dans la région.
Une base comme monnaie d’échange
En 2025, aucune base russe n’est opérationnelle au Soudan. Mais le projet reste au cœur d’un troc stratégique, Moscou gagne une porte d’entrée en Afrique. Khartoum gagne un allié de poids pour éviter l’isolement et négocier sa survie politique.
Entre gel militaire et pari diplomatique, la base navale russe est désormais moins un chantier qu’une carte dans la guerre du Soudan.




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