Quand Washington s’arrête, Paris s’adapte
- thibo périat
- 8 nov.
- 3 min de lecture
Pourquoi les États-Unis vivent un « shutdown » et pourquoi la France, elle, ne peut pas tomber en panne
Un pays à l’arrêt
Washington s’enlise. Depuis le 1ᵉʳ octobre, les États-Unis vivent un shutdown, littéralement une « fermeture du gouvernement ». Faute d’accord au Congrès sur le budget fédéral, l’État américain n’a plus d’argent pour fonctionner.
Les parcs nationaux sont fermés, des centaines de milliers de fonctionnaires restent chez eux, d’autres travaillent sans être payés. Les aides alimentaires sont suspendues, les contrôleurs aériens s’épuisent. L’Amérique, première puissance mondiale, se découvre paralysée par son propre système.
C’est le plus long blocage de l’histoire moderne du pays. Et il révèle à quel point les institutions américaines, pensées pour empêcher les abus de pouvoir, peuvent se transformer en machine à fabriquer l’immobilisme.
Un bras de fer politique
Au cœur du chaos, le budget 2026. Républicains et démocrates s’affrontent sur les priorités de dépenses. À la Chambre, dominée par les républicains, on exige des coupes drastiques et la fin de certains programmes sociaux. Au Sénat, les démocrates résistent.Résultat : aucune loi de financement n’a été votée.
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral ne peut pas dépenser sans l’aval du Congrès. Et quand le temps imparti s’écoule, le 1ᵉʳ octobre, début de l’année fiscale, la machine s’éteint. Pas d’accord, pas d’argent. Pas d’argent, pas d’État.
La Bourse retient son souffle.
Pendant ce temps, les marchés financiers tanguent. Chaque jour de shutdown ajoute une couche d’incertitude. Le Dow Jones a perdu plusieurs points en octobre, les valeurs bancaires reculent, et les investisseurs se réfugient vers les obligations américaines à court terme, paradoxalement considérées comme plus sûres, malgré le chaos politique.
Les économistes estiment que chaque semaine de shutdown coûte entre 7 et 14 milliards de dollars à l’économie américaine. La confiance des consommateurs s’érode, les commandes publiques sont suspendues, et les géants de la tech, très dépendants des contrats fédéraux, ralentissent leurs projets.
Les marchés européens, eux, surveillent sans paniquer. À Paris, le CAC 40 a légèrement fléchi, avant de se stabiliser. Les investisseurs français savent que le risque d’un scénario similaire est quasi nul, la France ne peut pas se mettre en pause budgétaire.
Mais la tension américaine pèse sur le dollar, et les grandes entreprises exportatrices françaises profitent temporairement d’un euro plus fort. Une secousse, pas un séisme.
En France, la panne est impossible
De ce côté-ci de l’Atlantique, le scénario est impensable.Même en pleine crise politique, comme celle que connaît la France à l’automne 2025, avec un gouvernement fragilisé et un Parlement éclaté, l’État continue de tourner.
Pourquoi ? Parce que la Constitution française garantit la continuité du service public. Si la loi de finances n’est pas votée à temps, le gouvernement peut :
reprendre les crédits du budget précédent,
ou faire adopter le texte via le 49-3, c’est-à-dire sans vote, en engageant sa responsabilité.
Pas de fermeture des écoles, pas d’arrêt des hôpitaux, pas de fonctionnaires sans paie. Le système budgétaire français repose sur la verticalité du pouvoir exécutif, mieux vaut forcer la main au Parlement que bloquer le pays.
Deux visions du pouvoir
Ces deux modèles racontent deux cultures politiques. Aux États-Unis, le pouvoir se partage, le Congrès contrôle les dépenses, le président négocie, et le conflit fait partie du jeu. En France, le pouvoir se concentre, le chef du gouvernement garde la main, même en cas de crise, au nom de la continuité républicaine.
L’un s’arrête quand il se divise, l’autre avance malgré la fracture.
Deux démocraties, un même malaise.
Des deux côtés de l’Atlantique, la crise budgétaire dit quelque chose de plus profond, la défiance envers le politique. À Washington, le shutdown alimente la lassitude d’une population déjà polarisée. À Paris, les 49-3 à répétition creusent la suspicion envers un pouvoir jugé sourd.
Ni blocage total, ni passage en force ne suffisent à restaurer la confiance. L’Amérique s’arrête, la France s’accroche, deux démocraties qui, chacune à leur manière, peinent à se gouverner.




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