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Former pour tenir.

  • Photo du rédacteur: thibo périat
    thibo périat
  • 21 nov.
  • 4 min de lecture

Photos (Ruben Nyanguila/collectif DR)


Alors que les rebelles du M23 ont gagné du terrain dans l’Est de la RDC et que les Forces armées congolaises (FARDC) s’effondrent, une question refait surface : comment bâtir une armée solide sans former ses cadres ? À Kananga, une académie militaire résiste au chaos ambiant et prépare, loin du fracas des armes, les cadres d’une armée congolaise encore à inventer.  Dans cette institution, une nouvelle génération d’élèves-officiers s’entraîne loin des projecteurs, dans l’ombre des défaites, mais avec la volonté de bâtir l’avenir.


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L’académie du renouveau.


À Kananga, une académie tient bon. Fondée à l’époque coloniale, réouverte en 2011, après 20 ans de fermeture avec l’aide de l’Union Européenne, l’Académie militaire congolaise est aujourd’hui la seule institution du pays à former les officiers de toutes armes. Ici, dans la chaleur poussiéreuse du Kasaï-Central, loin des lignes de front, une nouvelle génération se prépare. Pas à la guerre d’aujourd’hui, mais à celle que l’État espère enfin gagner : celle de la reconstruction.

Chaque jour qui compose les trois années de leur formation, les cadets, hommes et femmes, enchaînent les entraînements physiques, les cours de tactique, de droit, de culture générale. Huit heures quotidiennes, suivies des rituels habituels de la vie militaire, à la fin de chaque journée, un élève est désigné pour rendre les honneurs. Le maniement de l’armement et particulièrement de la Kalashnikov, est un des fondements de ce cursus. La discipline est partout. Et l’ambition aussi. « A l’académie c’est comme à l’université, mais ici, nous vivons en internat et nos rêves sont tournés vers la nation. Pas vers nos carrières. » », confie un jeune élève-officier.


Le général de brigade Ali Putshiateo, commandant de l’Académie, fait l’analyse suivante : « Les lacunes du système militaire congolais sont telles que l’intégration massive d’ex-rebelles dans les FARDC, sans base scientifique ni déontologique, a contribué à l’indiscipline et à la fragilisation de l’armée. Seule une réforme en profondeur de la formation militaire peut réellement inverser cette tendance. »

Les difficultés logistiques de l’Acamil ont un impact non négligeable sur l’enseignement, mais l’ardeur au travail et la motivation permettent de réussir la mission confiée aux enseignants. Les lauréats de cette école auront à cœur de respecter la devise de cette institution « Honneur, Fidélité »

Les visages de cette élite émergente racontent une autre histoire nouvelle de l’armée congolaise. Celle d’une génération prête à se battre autrement : non par le nombre ou par la brutalité, mais par la méthode. Patrice Balola, ancien major de promotion, est aujourd’hui instructeur. Son rôle, c’est de transmettre plus que des techniques. Il faut forger un état d’esprit. Une endurance. Une fraternité.

La plus grande partie des élèves iront rejoindre les forces terrestres, ces dernières représentent la plus grande branche des FARDC.


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La guerre à l’Est du pays s’éternise. 


Depuis Janvier 2024 les colonnes du M23, ont balayé les positions congolaises, s’emparant de Ruthsuru puis de Goma et Bukavu un an plus tard. Une offensive éclair, nourrie par des soutiens logistiques venus du Rwanda, selon plusieurs sources onusiennes. Depuis, les rebelles poursuivent leur avancée, allant jusqu’à toucher la cité minière de Walikale et ses richesses stratégiques. Malgré des appels au cessez-le-feu et des pourparlers de dernière minute, le 18 Mars 2025 à Doha, entre les groupes rebelles, le Rwanda et la République Démocratique du Congo le bruit des armes n’a pas cessé.


Les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), pourtant parmi les plus puissantes du continent sur le papier, Classée huitième armée d’Afrique par le Global FirePower Index, n’ont pas résisté. À l’arrière, le pouvoir réagit dans l’urgence, recrutement massif de jeunes, hausse du budget militaire de 100% entre 2022 et 2024, et suspension de plusieurs généraux accusés de désertion ou de trahison. À l’avant, les hommes en treillis tiennent rarement la ligne. Ou la fuient.


Le 27 Juin 2025, la RDC et le Rwanda se sont engagés à Washington à présenter un texte de paix commun, sous la médiation des États-Unis. Les USA qui en parallèle de ça négocie un accord sur les minerais stratégiques congolais. En échange d’un accès privilégié à ces trésors miniers, Washington promet des investissements massifs dans les infrastructures et la stabilité régionale. Mais la paix reste fragile. Les groupes armés persistent dans l’est congolais, la gouvernance locale vacille, et la vigilance s’impose. Des ONG alertent déjà sur les risques de corruption et d’exploitation, appelant à plus de transparence et de respect des droits humains. Un accord prometteur, mais qui devra passer le test du terrain.


Un mal profond. 


Derrière la déroute, il y a les cicatrices d’une armée bricolée : vingt ans d’intégration de milices, de chefs de guerre reconvertis sans doctrine, sans éthique, sans instruction. Un « brassage » devenu désordre généralisé. Dans cette armée éclatée, la chaîne de commandement est souvent un fil ténu. L’esprit de corps, une légende. Et la formation ? Le parent pauvre du système. L’académie avec le temps, devra permettre à cette armée de retrouver une cohérence essentielle à sa réussite.

À l’Est, les lignes reculent. À Kananga, on avance. Ce paradoxe illustre le mal congolais : un appareil militaire qui s’effondre sur le terrain, pendant qu’une poignée d’idéaux se préservent dans l’ombre. Loin des conférences internationales, des communiqués diplomatiques, des deals sécuritaires avec les voisins, l’Académie incarne peut-être le dernier bastion d’un espoir congolais : celui d’une armée debout, cohérente, capable de défendre et non seulement de subir.

Il ne suffit pas d’acheter des armes. Il faut former des hommes. C’est le pari de Kananga. Un pari modeste, lent, sans bruit. Mais un pari vital.


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Qui sont les rebelles ?


Le M23, ou Mouvement du 23 mars, est l’un des groupes rebelles les plus puissants dans l’est de la RDC. Formé en 2012 par d’anciens membres du CNDP, ce mouvement majoritairement tutsi accuse Kinshasa d’avoir manqué à ses engagements issus de l’accord de paix de 2009. Il se présente comme le défenseur de la communauté tutsi face aux milices hutus, notamment les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR). 

À ses côtés, l’Alliance des Forces Congolaises (AFC) rassemble plusieurs factions rebelles opérant dans la région, souvent liées à des dynamiques ethniques et politiques complexes. Cette coalition, issue de la fragmentation des anciens groupes armés comme l’AFDL, la force qui avait renversé Mobutu en 1997, joue un rôle clé dans les conflits actuels. La RDC accuse le Rwanda de soutenir le M23, une accusation que plusieurs rapports de l’ONU confirment, tandis que Kigali dément. Cette constellation de groupes armés perpétue l’instabilité et alimente les violences dans l’est congolais, aggravant une crise humanitaire dramatique.

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